Page:Barbey d’Aurevilly - L’Amour impossible, La Bague d’Annibal, Lemerre.djvu/133

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homme qui avait la réputation d’être un grand fat et de ne perdre son temps chez personne.

Lorsque cet homme s’éloigna d’elle, les femmes qui faisaient galerie à cette liaison, et qui, lorgnette en main, semblaient en étudier toutes les phases, les femmes s’imaginèrent que le dénoûment qui avait tant tardé était arrivé, et que Mme d’Anglure était fort à propos revenue clore un si fâcheux interrègne. Les hommes les plus attachés à la marquise le crurent aussi de leur côté, et comme ils la visitaient tous les soirs, ils purent admirer le magnifique empire et la désinvolture inouïe avec lesquels Mme de Gesvres pouvait voiler une rupture assez manifeste d’ailleurs. Pour tous ces hommes ferrés en diable sur les convenances du monde, et qui n’avaient jamais compris, comme le cardinal de Retz, que les devoirs extérieurs, la marquise révélait une supériorité très remarquable en restant imperturbablement la même à l’égard de M. de Maulévrier. Le fait est qu’elle ne lui adressa pas la moindre petite observation qu’on eût pu prendre pour un reproche, sur ses visites plus rares et plus courtes. Quand il ne venait pas, il semblait qu’il n’eût jamais existé pour elle. Quand il venait, elle le recevait avec cette main ouverte, cette hospitalité de sourire et cette étincelle perlée dans le regard, qui disaient à tous : « Vous voilà, tant mieux ! »