Page:Barbey d’Aurevilly - L’Amour impossible, La Bague d’Annibal, Lemerre.djvu/135

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Ses amies n’avaient pas manqué de lui apprendre la façon dont M. de Maulévrier avait passé son temps pendant son absence. Mais comme, depuis qu’elle était revenue, ce temps lui était consacré presque aussi exclusivement qu’autrefois, elle pouvait croire, à ce qu’il semblait, que l’ennui d’être éloigné d’elle avait fort innocemment poussé son amant chez Mme de Gesvres.

Une autre, plus spirituelle et plus vaniteuse, eût admis peut-être cette chimérique innocence ; mais ce n’était pas l’esprit qui faisait en elle obstacle à cette illusion assez douce, c’était la défiance, naturelle à un sentiment aussi profond que le sien.

Elle souffrait donc toujours de cette inquiétude éternelle qui, une fois excitée dans les cœurs bien épris, n’y périt plus. Elle souffrait, malgré toutes les négations que Maulévrier avait opposées à l’expression, d’abord éplorée, de sa jalousie. Rien n’y faisait ; ni cette intimité qu’elle avait retrouvée à peu près telle qu’elle avait existé autrefois, ni l’indifférence que M. de Maulévrier montrait, après tout, pour la marquise. Folle, qui avait raison au fond, elle souffrait contre les apparences ; et jusque dans les soins et les familiarités de l’amour même, elle tremblait toujours de l’avoir perdu.

Quant à M. de Maulévrier, il faut lui rendre