XXII
Et lorsque j’étais au plus fort de mon éloquence et de mes preuves qu’en vérité il y avait assez pour faire mourir une femme faible et naturellement passionnée, comme Sémélé sous la présence du Dieu foudroyant qui la consuma, elle n’était pas du tout émue ; elle n’avait ni larmes, ni tendres sourires, ni rêveries éperdues, ni regards mi-clos, ni rougeurs subites et évanouies ! Seulement, mon amour-propre dépité (les gens vexés se paient comme ils peuvent) constatait alors qu’il s’exhalait du front bombé, sous les onctueux cheveux gris de perle, une espèce de tiédeur humide, une transpiration d’ardent désir. Mais ce n’était là qu’un mirage qui, comme tous les mirages, n’existait que par la distance. Car si, attiré par ce que je voyais, je me rapprochais un peu d’elle, elle savait reculer son fauteuil avec une splendeur de pruderie qui eût fait la réputation d’une Anglaise, et le mirage s’en retournait… au pays des songes, d’où il était venu.