Page:Barbey d’Aurevilly - L’Amour impossible, La Bague d’Annibal, Lemerre.djvu/27

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tude la plus complète. Son mari traînait des velléités d’ambition à la suite de l’ambassadeur de France à Saint-Pétersbourg. Il laissait à sa femme toute la liberté dont jouit une veuve. Après son année de solitude, elle reparut plus brillante que jamais. À la coquetterie d’instinct, elle ajouta la coquetterie de réflexion. Le monde lui donna une foule d’amants qu’elle ne prit pas. Il est vrai que le monde avait pour lui ces probabilités et ces apparences qui décident de tout dans un procès criminel. Mais quoi qu’il en pût être, le vieux juge fut dupé, et l’opinion publique mystifiée.

Comme toutes les femmes qui ont quelque distinction dans l’esprit et cette froideur de sens, distinction non moindre et la prétention un peu hautaine des vicomtesses de notre époque, Mme de Gesvres ne trouvait plus les hommes bons que pour des commencements d’aventures dont les dénoûments restaient bientôt impossibles. En vain l’imagination avait dit oui ; le bon sens fortifié par l’expérience répondait non tout haut et toujours. Ainsi la vie de cette femme avait-elle contracté dans ses moindres actes une pureté fille de la sanité de l’esprit, — la seule pureté qui puisse exister dans le monde de corruptions charmantes où nous avons le bonheur de vivre.

C’était là le beau côté de la marquise de Ges-