Page:Barbey d’Aurevilly - L’Amour impossible, La Bague d’Annibal, Lemerre.djvu/284

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XCI


Madame de Dorff était donc l’amie de Joséphine, — une amie bien rare, comme dit ma grand-mère, en parlant de la millième qu’elle ait eue. Madame de Dorff n’était plus jeune ; elle mettait du rouge comme Jézabel : Joséphine pouvait donc l’aimer. Si nous avions été au dix-huitième siècle, Joséphine, l’énigmatique Joséphine, dont les rubans étaient toujours frais et venaient nous ne savons d’où, aurait peut-être été la mademoiselle Aïssé de madame de Dorff, tandis qu’elle n’était que sa chère belle, titre officiel sans grande valeur. Madame de Dorff prenait avec elle ces airs maternels de patronnesse, si chers aux femmes sur le retour. Si elle avait connu la passion d’Aloys pour Joséphine, elle lui aurait dit sans nul doute : « Je vous remercie de l’aimer. » Mot historique que j’ai entendu dire par une de ces amies qui répètent : « Pauvre enfant, comme elle se compromet ! » à un homme qui se mourait d’une passion sublime.