Aller au contenu

Page:Barbey d’Aurevilly - L’Amour impossible, La Bague d’Annibal, Lemerre.djvu/39

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Je vous connaissais, monsieur, — dit Mme de Gesvres.

— Et moi aussi, madame, je vous connaissais, répondit M. de Maulévrier.

Ils s’étaient vus, la veille, aux Italiens. M. de Maulévrier, qui était seul dans sa loge, n’avait pu demander à personne quelle était cette femme enveloppée dans sa pelisse pourpre avec un air si antidilettante, et Mme de Gesvres avait très bien remarqué l’élégance d’un homme dont la physionomie indifférente avait l’air que nous pourrions supposer aux paresseuses divinités de Lucrèce.

Mais l’attention de Mme de Gesvres pour un homme dont les regards obstinément fixés sur elle devaient avoir le velouté d’un hommage, ne dura que quelques instants. Gâtée par les prosternements des hommes, objet des plus ardentes contemplations, cible ajustée par toutes les lorgnettes, Mme de Gesvres se détourna bientôt de cet homme de plus qui probablement l’admirait. Comme ce soir-là était un de ses plus cruels moments d’ennui, elle sortit bien avant la fin du spectacle, et ne se douta point que la lettre qui lui fut remise en descendant de voiture fût précisément du seul être qui dans la soirée l’eût fait sortir, pour une minute, de ses anéantissements.

Par un hasard unique dans les annales de Mme de Gesvres, la seconde impression que