Page:Barbey d’Aurevilly - L’Ensorcelée, Lemerre, 1916.djvu/171

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— Chez la vieille Clotte ! — fit Barbe Causseron, atroce comme une fille qui, pendant toute sa vie, n’a jamais senti le cruel bonheur d’avoir un cœur aimé du sien, et à qui la faute et la douleur n’ont point appris la miséricorde. — Chez cette Marie-je-t’en-prie, malade de ses vices ! joli lieu de rendez-vous pour un prêtre et une femme mariée ! Pas possible, ma chère : ce serait une chose trop affreuse, par exemple ! Je ne la croirai, celle-là, que quand je l’aurai vue. Il n’y a pas sur ça la seule difficulté.

— Mon Dieu, Barbe, — repartit Nônon, qui était bonne, elle, comme un reste de belle fille indulgente, — le mal n’est pas si grand, après tout ! On ne peut pas avoir de mauvaises pensées sur cet abbé, qui ferait plus peur qu’autre chose à une femme, avec son visage dévoré… Jamais, au grand jamais, on n’a rien dit de Jeanne. Sa réputation est nette comme l’or. Et pourtant il y a eu bien des jeunes gens amoureux d’elle, soit ici, à Blanchelande, soit à Lessay ! Si donc ils se voient chez la Clotte, c’est qu’il y a peut-être là-dessous quelque manigance de chouannerie. La Clotte a été suspectée d’être une Chouanne dans le temps, et vous vous rappelez qu’ils l’ont tousée, comme on disait alors, sur la place du Marché. Ils croient pouvoir se fier à elle pour quelque chose qui tient à c’te chouannerie, mais il n’y a pas d’autre mal que ça à penser, bien sûr !

— C’est égal, — dit la Causseron, restée défiante, quoiqu’elle ne trouvât pas de réponse au raisonnement très sensé de Nônon, — je dois avertir M. le curé, tout de même. Si c’est ce que vous dites, la sa-