Page:Barbey d’Aurevilly - L’Ensorcelée, Lemerre, 1916.djvu/216

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aperçut la femme de ménage de l’abbé de la Croix-Jugan, la vieille Simone Mahé, du bas du bourg de Blanchelande, qui se dirigeait vers la maison dont il gardait et frappait la porte. « Ah ! — dit-il, — cette damnée porte va enfin s’ouvrir ! » L’étonnement de Simone Mahé ne fut pas médiocre en voyant maître Thomas à cette place.

« Tiens ! — fit-elle, — est-ce que vous voulez quelque chose à M. l’abbé de la Croix-Jugan, maître Thomas Le Hardouey ? Il sera bien fâché de ne pas y être, mais il est parti d’hier soir pour Montsurvent.

— À quelle heure est-il parti ? — dit Le Hardouey, qui se rappelait l’heure où il était dans la lande et où il regardait dans le fatal miroir des bergers.

— Ma fé, il était nuit close, — répondit la Mahé, — et il n’avait pas l’idée de bouger de chez lui de tout le soir. Je l’y avais laissé, disant son bréviaire au coin du feu ; mais c’est un homme si agité, et dont la tête donne tant d’occupation à son corps, qu’il m’a souvent dit : « Je ne sortirai pas ce soir, Simone », que je l’ai trouvé parti, le lendemain, dès patron-jaquet, et la clef de la maison sous la pierre où il est convenu que j’la mettrons, pour la trouver, quand l’un des deux rentre. Seulement, c’te nuit, il n’est pas parti, comme une fumée, sans qu’on le voie et sans qu’on sache où il est allé, car j’l’ai rencontré vers dix heures sur son cheval noir qui passait dans le bas du bourg. J’reconnaîtrais le pas de son cheval et sa manière de renifler quand je n’y verrais goutte comme les taupes et quand je serais aveugle comme le fils Crépin, de sorte que je me dis en moi-même : « Ça