Page:Barbey d’Aurevilly - L’Ensorcelée, Lemerre, 1916.djvu/243

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pect de la famille, comme le christianisme l’a fait, c’était de ne pas voir de parents accompagner et suivre cette bière. La famille de Jeanne de Feuardent, dont elle avait blessé l’orgueil nobiliaire en épousant Thomas Le Hardouey, n’était point venue à ses funérailles, et, d’un autre côté, les parents de Le Hardouey, envieux de la fortune qu’il avait amassée, et blessés aussi par son mariage, qui les avait éloignés d’eux, n’avaient point paru dans le cortège, malgré l’invitation qu’on avait eu soin de leur adresser. Il y avait donc un assez grand espace entre la bière, portée, selon l’usage du pays, par les domestiques du Clos, sur des serviettes ouvrées dont ils tenaient les extrémités deux par deux, et les pauvres de la paroisse, qui, pour six blancs et un pain de quatre livres, assistaient à la cérémonie, une torche de résine à la main. De mémoire d’homme, à Blanchelande, on n’avait vu d’enterrement où cet espace, réservé au deuil, fût resté vide. On en faisait tout haut la remarque. Maître Le Hardouey n’était pas rentré au Clos. Tous les yeux étaient fixés sur la place qu’il aurait dû occuper… Hélas ! il y avait un autre homme encore que les regards de l’assistance cherchèrent plus d’une fois en vain : c’était l’abbé de la Croix-Jugan. Parti pour Montsurvent, la veille, ainsi que l’avait dit la mère Mahé à Le Hardouey, il n’était point revenu de chez la comtesse Jacqueline. Pendant toute la funèbre cérémonie, sa stalle de chêne resta fermée dans le chœur, et le redoutable capuchon qu’on y voyait tous les dimanches ne s’y montra pas.

Fut-ce cette préoccupation de la foule, répartie