Page:Barbey d’Aurevilly - L’Ensorcelée, Lemerre, 1916.djvu/301

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après complies, et que les autres fenêtres de ses bas-côtés ne laissent passer brin de clarté ? J’ sommes entre le dimanche et le lundi de Pâques, mais i’ se commence à être tard pour le Salut. Qué qu’il y a donc ? »

« Et il restait effarouché sur son échalier, guettant, sur les herbes des tombes qu’elle rougissait, c’te lueur violente qui allait p’t-être casser en mille pièces les vitraux tout contre lesquels elle paraissait allumée…

« — Mais, tiens ! — dit-il, — les prêtres ont des idées à eux, qui ne sont pas comme les autres. Qu’est-ce qui sait ce qu’ils forgent dans l’église à c’te heure où l’on dort partout ? Je veux vais à cha ! »

« Et i’ dévala de l’échalier et s’avança résolument tout près du portail.

« Je vous l’ai dit, monsieur ; c’était l’ancien portail arraché aux décombres de l’abbaye. Les Bleus l’avaient percé de plus d’une balle, il était criblé de trous par lesquels on pouvait ajuster son œil. Pierre Cloud y guetta donc, comme il avait guetté tant de fois, en rôdant par là, le dimanche, quand il voulait savoir où l’on en était de la messe, et alors il vit une chose qui lui dressa le poil sur le corps, comme à un hérisson saisi par une couleuvre. Il vit, nettement, par le dos, l’abbé de la Croix-Jugan debout au pied du maître-autel. Il n’y avait personne dans l’église, noire comme un bois, avec ses colonnes. Mais l’autel était éclairé, et c’était la lueur des flambeaux qui faisait ce rouge des fenêtres que Pierre Cloud avait