Page:Barbey d’Aurevilly - Le Cachet d’onyx, Léa, 1921.djvu/31

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qui enfonce des crocs dans les veines du cou qu’elle suce de sa bouche de vampire, qui enfonce des griffes dans la poitrine nue, qui fait pleurer et rugir, miaule en tigre et demande merci en lâche, car elle réunit dans un seul être humain le monstre qui égorge et la victime qui se débat.

Cette jalousie, on ne l’éprouve qu’à la condition d’avoir de l’amour. Et n’est-ce pas là, Marie, de l’amour comme il est glorieux et enivrant pour une femme d’en faire naître, gloire et ivresse avec les dangers qui les rendent plus éclatants et plus profonds, comme il arrive toujours, puisque le sentiment une fois démuselé tue pour une valse, un nom balbutié dans un rêve, pour un rien, un mouchoir perdu…

En vérité, je vous le dis, Marie, je ne sais point comment les femmes ne sont pas fières et heureuses de cette jalousie. N’est-ce pas un acte d’humilité fait à genoux par l’être fort à l’être faible, devenu le maître maintenant ? N’est-ce pas, si le cœur est éteint, au moins du nectar pour l’orgueil ? Mais les femmes, ces corps charmants, à qui Mahomet, l’imposteur ! refusait une âme, n’ont pas de vanité qui aille si haut. Aimable faiblesse, elles ignorent les égoïstes désirs de l’orgueil.