Page:Barbey d’Aurevilly - Le Cachet d’onyx, Léa, 1921.djvu/53

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tiques plaisirs, comme par une révélation sublime, quelque chose de grand et de divin, tant il les étreignait contre lui d’une main acharnée ; mais cette illusion finissait par du déboire, et l’intelligence revenait avec ses implacables mépris. Voilà pourquoi son front devenait chauve avant le temps, et son regard débordait d’une telle tristesse qu’il en versait jusque dans les yeux indifférents ou joyeux de qui le fixait.

Amédée n’était pas un homme fait sur le fier patron de Réginald. Il cultivait aussi les arts, mais ils n’étaient pour lui qu’une fantaisie, un caprice, ce que sont les femmes pour tant d’hommes qui osent parler d’amour à leurs pieds. On ne voyait point, sur son front serein et ouvert, à travers la fatigue des organes, les vestiges de cette lutte cruelle entre la passion et la pensée, la gloire ou la mort de l’artiste, qui l’anéantit encore à l’état d’homme ou le transfigure tout vivant.

Amédée et Réginald venaient de passer trois ans en Italie. Un soir de juin parfumé et chaud, ils avaient causé longuement, sur la route de Neuilly à Paris, avec une femme d’un âge mûr, à l’air imposant quoique bon, qui tenait par la main une enfant de treize ans à peine, jolie petite fille à tête nue et