Page:Barbey d’Aurevilly - Le Cachet d’onyx, Léa, 1921.djvu/68

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Un jour Léa était assise dans l’embrasure d’une des fenêtres du salon. La lumière bleue et sereine découlait sur son cou penché. Léa était occupée à broder un voile pour sa mère. Réginald, non loin d’elle, tenait un livre par contenance. Ils étaient seuls. — Pour la première fois depuis une heure, il ne la regardait pas ; il s’était perdu dans quelque ardente rêverie, et cette rêverie, c’était elle encore, c’était comme s’il l’eût regardée.

« Comme vous êtes pâle depuis quelques jours, — lui dit-elle en relevant la tête ; — vous l’êtes presque autant que moi. Réginald, est-ce que vous souffrez ?

— Oui, je souffre, — répondit-il. Car il ne pouvait supporter cette familiarité douce avec cette femme qu’il aimait à en perdre la raison et sous laquelle son amour se sentait à l’étroit.

— Oui, je souffre, et non pas depuis quelques jours, mais depuis plus longtemps, et des douleurs cruelles.

— Où donc ?

— Ici. — Et du doigt il indiqua son cœur.

— Comme moi, — reprit-elle, étonnée. — Mais pourtant ce n’est pas contagieux, — ajouta-t-elle en souriant d’un air triste.

— Non, pas comme vous, Léa, non, pas