Page:Barbey d’Aurevilly - Le Cachet d’onyx, Léa, 1921.djvu/75

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Reste près de moi : ne suis-je pas ta mère ? Ta mère aussi, qui t’aime cent fois plus depuis que tu aimes sa fille, mais qui craint cet amour funeste et qui te demande à genoux d’avoir pitié de toutes deux ! »

Et c’était faux ! Elle n’était pas à genoux ; elle s’était jetée à Réginald tout entière, et de ses deux bras elle lui serrait la tête contre son sein avec une ineffable ardeur de prière. Rien n’était plus beau comme cette femme en transes et en accès de pleurs, demandant la vie de sa fille à un homme qui l’aimait bien plus qu’elle, et le suppliant comme s’il eût été un Dieu, — que dis-je ! comme s’il avait été un pervers. Réginald fut subjugué par toute cette tendresse qui l’enveloppait, qui criait après lui aux abois. Il promit de tout taire à Léa. Il voulut, enthousiaste comme on est quand on aime, dresser un sacrifice à côté de ceux qu’avait faits cette femme à l’existence de sa fille ; comparer de ces deux cœurs, du sien ou de celui d’une mère, lequel serait le plus saignant, le plus brisé, lequel l’emporterait des deux martyrs. Hélas ! s’il ne devenait pas un parjure, à coup sûr, ce devait être le sien !

Non, rien n’est comparable à cette angoisse ! Être près de la femme qu’on aime, la voir, l’entendre, se mêler à tous les détails de ses