Page:Barbey d’Aurevilly - Le Cachet d’onyx, Léa, 1921.djvu/86

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Scène odieuse que cette profanation d’une jeune fille dans la nuit noire, sous ce ciel étoilé qui parle d’un monde à venir et qui ment peut-être, tout près d’une mère qui la pleure et d’un frère qui ne la vengera pas, parce qu’une seule de ces stupides étoiles n’envoie pas un dart de lumière sur le fond pâlissant du coupable et n’illumine pas son infamie !

Soit prostration entière de forces vitales, soit confusion et défaillance sous le poids de sensations inconnues, soit ignorance complète, Léa resta dans le silence et immobile jusqu’à ce qu’un mouvement effrayant fît pousser un cri à sa mère et relever la tête de Réginald dont la bouche s’était collée à celle de l’adolescente, qui ne l’avait pas retirée.

Amédée s’élança pour appeler du secours.

Quand il revint, il n’était plus temps : les flambeaux que l’on apporta n’éclairèrent pas même une agonie. Le sang du cœur avait inondé les poumons et monté dans la bouche de Léa, qui, yeux clos et tête pendante, le vomissait encore, quoiqu’elle ne fût plus qu’un cadavre. Mme de Saint-Séverin, à genoux devant, était tellement anéantie qu’elle ne songeait pas à mettre la main sur le cœur pour épier si la vie ne le réchauffait plus. Elle considérait, les dents serrées et les yeux