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Page:Barbey d’Aurevilly - Le Théâtre contemporain, III, 1909.djvu/314

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LE THÉATRE

ginité par l’amour. Quand donc sera-t-on las de traînailler cette vieille pantoufle ?… En avons-nous vu, depuis Marion Delorme, de ces misérables courtisanes qui n’ont plus l’esprit de leur état !… La Flava de l’Odéon appartient au tas de ces drôlesses, hébétées du désir d’une vertu… impossible, qui ne diflèrent entre elles que par le costume. A elle, on a mis un péplum, au lieu d’une robe Renaissance ou d’une robe moderne, et voilà toute la grande invention qui a rajeuni et salé cette antique fadaise !

Flava aime son esclave Armor. On ne souffrirait guères sur une scène française qu’une cocotte aimât son domestique ; cela paraîtrait dégoûtant et cela le serait… Mais, ô influence du péplum ! l’esclave jouit d’un privilège que n’a pas chez nous le domestique, dont nous avons fait, comme nous, pourtant, un intéressant citoyen. Quand donc les mœurs s’accorderont-elles avec les législations ?… Il est vrai que cet esclave est un capitaine de corsaire, fier comme Artaban. Mais Flava l’ignore une bonne partie de la pièce, et si profondément, qu’au commencement, dans une véritable indigestion d’elle-même, la superbe pécore s’est empoisonnée, et qu’elle ne s’aperçoit de son amour et de celui du capitaine que quand il ne lui est plus loisible que de crever… Telle cette pièce, qui n’est qu’un pauvre petit diable d’acte,