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CHAPITRE IX

EUGÉNIE DE GUÉRIN[1]


Omni exceptione majores
(Devise des Guérin.)


I


En 1840, la Revue des Deux-Mondes publiait, dans un article signé d’un nom célèbre, des fragments littéraires laissés par un jeune homme né pour la gloire et mort obscur. Ce jeune homme s’appelait Georges-Maurice de Guérin du Cayla. Les fragments dont il est question, d’une inspiration magnifique et nouvelle, avaient l’accent d’une personnalité si rare, qu’ils frappèrent également les esprits puissants et les esprits délicats. Mais comme, à toute époque, le cercle formé par ces deux genres d’intelligences n’est jamais excessivement étendu, et comme, chaque jour, il tend à se rétrécir davantage dans notre société bourgeoise, occupée de grosses choses et se complaisant dans sa propre vulgarité, l’effet de la publication, risquée par la Revue des Deux-Mondes, n’alla pas plus loin. Les journaux, tenus alors comme aujourd’hui par des médiocrités jalouses, et livrés aux prostitutions qui rapportent, ne dirent pas un mot de

  1. Lettres et Mémoranda. Didier.