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mérite de Mme de Girardin et à examiner les deux volumes où la femme d’esprit apparaît avec un tel mouvement, un tel étincellement, une telle vie, qu’elle emporte tout, comme l’hirondelle

« Emporta toile et tout,
« Et l’animal pendant au bout ! »

(l’animal pendant au bout, c’est la femme de lettres), et qu’il n’y a plus là que le triomphant naturel d’une simple femme, non ! mais d’une femme ! Et triomphant est bien le mot, puisqu’elle y triomphe, même de son déguisement en garçon !

II

Les Lettres parisiennes sont en effet signées d’un nom d’homme, et franchement, quand on les lit, on se demande pourquoi. Il n’y a rien de moins homme que ces Lettres et je défierais bien le plus neuf en sensation, donnée par le style, de se faire illusion une minute sur le sexe de la main qui a écrit de si délicieuses frivolités ! Mme de Girardin, en signant ces Lettres du nom du vicomte de Launay, a-t-elle cru rendre plus piquante sa pensée, comme certaines femmes croient, en s’habillant en hommes, rendre plus voluptueuse et plus apparente leur beauté ? Toujours est-il qu’elle, la distinction même, après avoir voulu être une femme de lettres, comme tant de femmes de son époque, se serait, comme la plupart de ces femmes qui se croient si plaisamment ce qu’elles ne sont pas, achevée en vulgarité, en prenant un nom d’homme, si elle avait pu parvenir à se faire un masque de ce nom-là.

Mais Dieu merci ! la distinction suprême a résisté. Il y a dans le vicomte de Launay, que quelqu’un a appelé avec assez de justesse un chevalier de Malte de bal mas-