Page:Barbey d’Aurevilly - Les Bas-bleus, 1878.djvu/85

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personne n’a jamais prétendu qu’elle le fût, je n’ai pas à me préoccuper de son prudhommisme d’idées, s’il y en a dans ses ouvrages ; tandis qu’au contraire j’ai à m’occuper — et beaucoup ! — de son prudhommisme d’images, puisqu’on a fait d’elle un grand écrivain ! Or, dans ce volume d’Impressions littéraires, je retrouve publié un petit roman qui passe pour un chef-d’œuvre de Mme Sand (les Lettres à Marcie) et le petit roman n’est rempli que de prudhommismes d’images. Je les y trouve entassés, nombreux, à toute page, sans mélange et tellement, qu’il est impossible que le porte-plume quelconque qui s’exprime en ces termes ; qui n’a à son service, exclusivement, que ces métaphores épuisées, traînées et fourbues, puisse jamais s’appeler du nom de grand écrivain, déjà lourd à porter partout ; à plus forte raison du premier des grands écrivains français au dix-neuvième siècle, comme on l’a dit de Mme George Sand, et qui l’écrase — net !

Prenez-les donc ces Lettres à Marcie, et donnez-moi un démenti si vous pouvez, quand je dis que Mme George Sand a l’imagination (l’imagination dans le style), impuissante et vulgaire. Ouvrez les Lettres à Marcie, qui ne sont pas longues, et voyez si vous ne vous ferez pas, en entrant là-dedans, l’effet d’être dans le vestiaire d’une rhétorique tombée en loques, à force d’avoir servi à tout le monde, — le pire des maîtres ! Voyez si vous trouvez pour exprimer les choses du cœur et de la pensée, plus que les vieilles images surannées, « d’autels renversés dans la fange, d’orages, de ruines qui croulent, de parvis, de feuilles sèches que disperse le vent de la mort, de la colombe qui construit son nid solitaire (pour dire le célibat), de volcans à peine fermés du sol (pour dire les passions apaisées), du forum (pour dire comme les avocats, la vie publique), de l’ange de la destinée, de la lampe de la foi, du vent, de la pluie, mais surtout du vent, et pourquoi ? (pour dire les peines de l’âme), de la coupe de miel offerte aux lèvres pures