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Aimable femme qui sera toujours aimable, dût-elle en mourir de chagrin. Elle a de la vertu, en rhétorique. Elle passe sa vie à donner le bras aux vieillards.

En somme, Mme George Sand a-t-elle eu raison de publier ces Impressions littéraires ? Comment a-t-elle impressionné le public ?… Nous avions été tous pris, plus ou moins, au traquenard de sa réputation, ce piége à bêtes ou à étourdis qui ne regardent jamais à rien. Tous, plus ou moins, nous avions cru qu’elle était un écrivain volontaire et travailleur qui avait émancipé la femme dans sa personne, et qui, vaillante dans le faux, mais vaillante, voulait émanciper le mariage, l’opinion, la loi ! Elle ne serait donc rien de tout cela ! Nous rêvions donc au fond du traquenard. Le livre des Impressions littéraires, où, devenue critique, elle se juge et elle se confesse, l’a prouvé. Mme Sand y met la main sur son cœur, comme Louis-Philippe, et comme Léopold à son balcon, y prit un jour ses enfants dans ses bras. Elle n’est, si vous l’écoutez, qu’une aimable rêveuse, vierge de tout ce qu’on lui reproche ; qui a commencé par pondre, sans rime ni raison, des romans pour ces vilains hommes, et qui berquinant sur le tard de la vie, pond pour ses enfants des comédies que ces vilains hommes incorrigibles trouvent charmantes ! Elle n’a jamais pensé qu’à l’Art et au plaisir de faire des contes, et ce n’en est pas un qu’elle nous fait là ! Confidences, déclarations de simplicité, main sur le cœur, enfants dans les bras, tout cela c’est la vérité de la dernière heure. Elle a le génie et elle a l’innocence ! le génie auquel nous avons cru si vite ! l’innocence à laquelle nous ne croyons pas ! Elle les a maintenant l’un et l’autre, — aussi vrai, pardieu ! qu’elle n’a pas écrit les bulletins de Ledru-Rollin !