Page:Barbey d’Aurevilly - Les Philosophes et les Écrivains religieux, 1860.djvu/153

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prestidigitateur de l’érudition, l’escamoteur historique, dont le livre apoplectique veut expliquer tous les faits de l’Évangile par des mythes purs, — comme on avait, avant lui, essayé de les élucider avec des explications naturelles. Quoique Strauss soit maintenant dépassé en Allemagne, c’est toujours sa critique qu’on invoque, c’est toujours, dans les mains de M. Renan comme dans celles de Wilkes, de Weiss et de Bruno Bauer, cette critique essentiellement ennemie du surnaturel et cette méthode qui, de nuance en nuance et d’effacement en effacement, dépouille et pèle le fait historique jusqu’à ce qu’il n’en reste absolument rien. Or, cette critique qu’on varie, mais qu’on ne change pas, a-t-elle réellement entamé ce qu’elle a cru si aisément détruire ? Le bon sens public s’est-il payé de cette monnaie ? A-t-il de tout cela jailli une lumière, quelque grande certitude devant lesquelles, puisqu’il s’agit ici de la vie de Jésus, par exemple, la Bible et l’Évangile ne causent plus d’étonnement ?… M. Renan dit et répète à satiété que la critique historique est toute dans les nuances, qu’elle n’est pas ailleurs ; mais avec les procédés de sa méthode, les nuances finissent par devenir si fines, qu’elles cessent d’exister et que bientôt on ne les voit plus. Ses hypothèses manquent bientôt du corps même d’une hypothèse. Assertions hasardées, systèmes à l’état de dentelles ; on n’invoquerait pas les raisons qui, selon lui, simplifient et éclairent l’histoire, pour se décider dans la plus vulgaire action de la vie ! On ne paierait pas le mémoire de sa blanchisseuse, d’après cela ! Mais le moyen de faire passer les choses les plus risiblement affirmatives ou les plus tristement vagues,