Page:Barbey d’Aurevilly - Les Philosophes et les Écrivains religieux, 1860.djvu/200

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ce qui avait été dit précédemment dans le courant de cette moitié de siècle. M. Havet se permit d’avoir aussi son opinion sur Pascal. Il se permit d’avoir de la pénétration souvent, — plus souvent de la solidité. J’oserai même dire que, dans l’état actuel de la pensée du dix-neuvième siècle sur Pascal, personne n’est encore allé plus avant que M. Havet dans ce clair-obscur étonnant, — plus étonnant que celui de Rembrandt, — qui s’appelle l’âme et le génie de Pascal. En vivant longtemps dans l’étude de ce grand esprit, M. Havet a fait amitié, je ne dirai pas avec ces ténèbres, — comme disait M. Augustin Thierry de sa cécité, — mais avec cette profondeur agitée, et s’il n’a pas toujours découvert ce qu’il nous y montre, il a parfois ajouté à ce qui déjà y avait été découvert. Qu’elles appartinssent donc à lui ou à d’autres, les opinions qui donnent la vie à son Étude sur Pascal, et qui n’ont été jusqu’ici dépassées par aucune vue nouvelle, méritaient l’attention d’une Critique, qui a bien le droit de se demander si ce sont là les derniers mots qu’on puisse dire sur Pascal, et s’il y aura même jamais un dernier mot à dire sur cet homme qui fait l’effet d’un infini, à lui seul !

Pascal, en effet, a été plus retrouvé, plus restauré, plus raconté que jugé de ce jugement définitif et suprême qui donne la raison suffisante d’un homme ; il a produit plus d’étonnement que d’admiration encore, et presque plus de frayeur que d’étonnement. Les critiques à classification et à catégories, les nomenclateurs qui croient aux familles d’esprits, ont été complètement déroutés par ce grand Singulier, sceptique et dévot, géomètre et poète, l’ordre et le désordre,