Page:Barbey d’Aurevilly - Les Philosophes et les Écrivains religieux, 1860.djvu/233

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point comme sur les autres, Vauvenargues faisait sa réserve de gentilhomme. « Il n’y a pas de gloire, écrit-il quelque part, de gloire complète, grande, sans l’éclat des armes. » Ah ! ceci n’est pas du dix-huitième siècle ! Ainsi, au fond de ce griffonneur qui envoyait ses essais à Voltaire, le gentilhomme tenait bon comme le chrétien, et c’est ce fond de Vauvenargues, — puisque son nom se prononce encore, — qui mérite l’étude et l’intérêt de l’histoire. Quand tout ce qui était littéraire se faisait philosophe, Vauvenargues était philosophe comme les autres, puisqu’il avait la rage d’être littéraire ; mais il n’était ni athée comme d’Holbach ou La Mettrie, ni ennemi de Jésus-Christ comme Voltaire, ni matérialiste comme Diderot, ni déiste raccourci et bourgeois comme Jean-Jacques, et il ne parvenait qu’à être sceptique, dans un temps qui ne connaissait que le dogme de toutes les erreurs et leur affirmation la plus véhémente. Le dix-huitième siècle répugne au scepticisme. Il sait à quoi s’en tenir. Il ne doute pas. Celui de Hume, pour qui sait voir, est une négation profondément articulée. Vauvenargues, avec sa Méditation sur la foi, et les autres passages de ses écrits, que Voltaire appelait des « capucinades », en se priant de les excuser, est un sceptique du dix-neuvième siècle qui a devancé le temps où il aurait dû vivre. Il n’a aucune conclusion arrêtée et ferme dans l’esprit sur les grands problèmes de la destinée spirituelle. Mais il a des impressions d’enfance et des instincts. Comme lord Byron, il a jusqu’à ses heures de prière… Encore une fois, un pareil homme devait, un jour ou l’autre, être à couteaux tirés avec Voltaire, qui n’aimait pas les capucins de Saint-François, mais qui