Page:Barbey d’Aurevilly - Les Philosophes et les Écrivains religieux, 1860.djvu/249

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comme cette notice biographique dont nous venons de rendre compte, mais c’est un livre dans lequel on constate une véritable supériorité. Là, on trouve une critique de Buffon pleine de verve, de mouvement, de sagacité et de science, — une critique faite par un amour qui a déchiré son bandeau, mais qui n’en est pas moins de l’amour encore.

C’est le cas pour M. Flourens. Assurément, nous ne croyons pas que jamais il sorte de cette critique de l’amour qui est la sienne quand il s’agit de Buffon, et qu’il puisse entrer dans cette impartialité froide qui est la vraie température de toute critique ; mais rendons-lui justice, et convenons que pour lui l’enfant de Buffon, le cartésien comme Buffon, l’homme incessamment occupé à brosser comme un diamant la gloire de Buffon, pour qu’elle brille davantage, il a cependant dans le regard une fermeté qui étonne quand il le porte sur son maître. Il ose le regarder, et très-souvent il le voit bien. Il le voit entre les théories et les systèmes, constatant nettement que Buffon, tiré à deux philosophies, tenait de Descartes le goût des hypothèses, et de Newton le respect et la recherche des faits. Au fond, en effet, Buffon n’était pas, malgré des qualités de génie, un de ces Intuitifs qui sont les premiers en tout génie humain. Le fait de son esprit qui finit, nous le reconnaissons, par devenir tout-puissant par l’ordre (toujours l’ordre !), la continuité, l’enchaînement, la génération des idées, était plus un tâtonnement sublime que cette intuition qui n’hésite jamais et va droit à la découverte.

Buffon avait commencé sa vie pensante et savante par les mathématiques qui sont une science de déduction, et il