Page:Barbey d’Aurevilly - Les Philosophes et les Écrivains religieux, 1860.djvu/278

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Ainsi, curiosité indiscrète d’abord, vaine ensuite, car elle n’aboutit qu’à des infiniment petits d’une appréciation… impossible, le livre du R. P. Lacordaire n’est que le roman, le roman pur, introduit dans cette mâle et simple chose qu’on appelle l’hagiographie, par un esprit sans virilité ! C’est le roman moderne, subtil, maladif, affecté, allemand, le roman des affinités électives, transporté de Goëthe dans l’Évangile, pour expliquer les sentiments que l’Évangile avait assez expliqués, en les voilant de son texte inviolable et sacré, pour la gloire de sainte Marie-Madeleine et l’édification de ceux qui croient en elle ! Mais le Père Lacordaire, moderne lui-même comme le roman, a trouvé que ce n’était pas assez que les quelques mots, rayonnants dans les placidités du divin récit, que les quelques faits qui donnent Dieu et l’homme en bloc ; il a voulu, qu’on me passe le mot, y mettre plus d’homme, et il l’a voulu pour émouvoir les âmes où il y a plus de créature humaine que de chrétienne, car ce livre — on le sent par tous ses pores, — est écrit surtout pour les femmes et pour les âmes femmes, quel que soit leur sexe. Prêtre égaré par un bon motif, je le veux bien, mais égaré pourtant, il a spéculé sur le fond de la tendresse humaine pour faire aimer son Dieu, en montrant l’homme aux âmes déjà si pleines de l’homme, qu’elles s’en vont faiblissant dans leur ancien amour de Dieu !

Eh bien ! en faisant cela, il a risqué de faire un mal immense, et dans l’ordre moral, qui risque le mal l’a déjà fait ! Alors que l’homme est si avant dans la préoccupation universelle, ce n’est pas en effet