tandis que M. de Montalembert est un homme convaincu toujours, souvent passionné, lourd habituellement, mais brusque et vrai en somme, quoique de temps en temps déclamateur.
Une seule fois dans sa vie pourtant, M. de Montalembert oublia qu’il était orateur et se crut poète. Ce fut quand il écrivit cette Sainte Elisabeth de Hongrie, sincère à peu près comme les poésies de Clotilde de Surville sont françaises. Mais cette distraction ne dura pas, et aujourd’hui, jusque dans cette Histoire des Moines d’Occident, l’orateur qu’il n’a jamais cessé d’être se montre plus que jamais, et il y va même jusqu’à la faiblesse des prosopopées. « Et maintenant accourez, ô Barbares ! » s’écrie-t-il, et ce qui accourt, ce n’est pas le talent et le talent d’un historien à coup sûr. Mais qui s’en étonnerait ne connaîtrait pas l’essence oratoire.
Tout orateur a du déclamateur en lui. C’est vice de conformation et de nature ; mais alors qu’il ne déclame pas, alors qu’il est le plus heureusement et le plus purement orateur, il a, de nature et de conformation aussi, cette force d’expression et d’idée vulgaire dont je parlais tout à l’heure et qui l’empêchera toujours d’atteindre à la hauteur de pensée et à la concentration de forme du grand écrivain. Tout grand orateur ou plutôt tout orateur quelconque verrait s’interrompre tout à coup, et s’abolir le rapport qu’il y a entre lui et son public, s’il n’était pas un peu vulgaire comme ces foules auxquelles il a affaire, et avec lesquelles il doit s’entendre pour les entraîner. Prenez-les tous, si vous voulez, et cherchez s’ils n’avaient pas tous cette force dans la vulgarité qui est leur fond même !