croyons ce tour de force et de finesse beaucoup plus embarrassant que de concentrer en quelques pages les progrès de la philosophie, — politique ou autre. La « spirale » de Goëthe est une plaisanterie. Ce n’est qu’un tire-bouchon, et encore pour la longueur, car un tire-bouchon débouche quelque chose, et nous voudrions bien savoir quel flacon de vérités essentielles la philosophie a jamais débouché ! Quand Goëthe ne pensait pas à « sa spirale », il disait honnêtement : « Si je voulais consigner par écrit la somme de ce qui a quelque valeur dans les sciences dont je me suis occupé toute ma vie, ce manuscrit serait si mince que vous pourriez l’emporter sous une enveloppe de lettre. » Toute l’histoire de la philosophie, qui en était, peut donc tenir sur une carte à jouer. Il ne s’agit que de l’y faire tenir.
Et ce n’est point difficile, quand on a la tête nette et qu’on ne se laisse pas envahir et entamer par la niaiserie des phrases et des livres. Si, dans toute littérature, il y a de l’inutile et du superflu, il y en a surtout, en philosophie, dans des proportions effroyables. Là les hommes ne font guère que des échos, des échos qui brouillent le son, en le répétant. Voulez-vous en juger ? prenez seulement le dictionnaire de Bayle, l’histoire de la philosophie de Brucker et le vocabulaire de Tennemann, et vous verrez quelle masse de rêveurs inutiles, de cracheurs dans les puits pour faire des ronds, se trouvent mêlés, pour l’encombrement de nos mémoires, aux quelques noms et aux quelques idées, très-rares, très-clairsemées, et pour les raisons providentielles les plus hautes, qui ont réellement allongé la corde de l’esprit humain et un