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Page:Barbey d’Aurevilly - Les Philosophes et les Écrivains religieux, 1860.djvu/391

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esprits vigoureux est de renouer les traditions, en toutes choses, quand elles ont été rompues ; c’est de se rattacher à ce passé qui est toujours une vérité ensevelie. Les chefs de dynastie le savent bien, qu’il n’y a rien de plus difficile et de plus grand ! M. Tessier, qui est peut-être, à sa manière, un chef de dynastie, — car, ou nous nous trompons beaucoup, ou il a toute une famille d’idées puissantes, à établir, — M. Tessier est une de ces intelligences qui travaillent à renouer la chaîne des enseignements scientifiques, et jamais il ne nous a paru plus heureux dans son effort qu’en posant (pourquoi n’est-ce que de profil ?) la grande question de l’immutabilité des maladies. Le physiologisme, qui règne encore, quoique son conquérant ne soit plus, a inventé un état de santé qui ressemble fort à ce qu’était l’état de nature chez les publicistes du siècle dernier. En identifiant, comme il l’a fait, la maladie avec le symptôme ou la lésion, il a supprimé la maladie, et, de cette façon, il a bouleversé tout ce qu’on savait et tout ce qui était force de loi sur cette question fondamentale. « Le mot nature vient du mot nasci ; » dit M. Tessier avec la simplicité de la lumière, par conséquent, « toutes les fois qu’une question de nature est posée, elle implique à l’instant même une question d’origine. Donc la question des maladies pose la question de leur origine et par suite de l’origine du mal. »

Réduit à ses seules forces et répugnant à regarder au fond de l’histoire, le rationalisme devait considérer ces questions comme vaines et insolubles, et il n’y a pas manqué ; en cela au-dessous de l’antiquité païenne, qui ne connaissait pas Bacon, mais qui n’en savait pas moins