Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1862.djvu/164

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loisir, ni de ses prétentions, si dans cette femme, aux grâces dénouées, il y eut jamais de ces laides et orgueilleuses choses que l’on appelle des prétentions !

Les mille questions grosses de rêveries qui viennent à l’esprit sur ces êtres deux fois mystérieux qui sont en même temps poètes et femmes, on ne les fera donc point parce qu’on n’y répondrait pas. Était-elle belle ou simplement jolie, ou, à force d’âme, divinisait-elle sa laideur ? Quelle couleur allait à sa figure ? Quel vêtement lui seyait et flottait le mieux autour d’elle ? Fallait-il à sa main pensive, la feuille de laurier qu’en causant Mme de Staël aimait à tordre dans la sienne, ou le bouquet de roses quotidiennes que l’Amour fidèle offrait à Mme Récamier ? … De tels détails, s’il y en avait, nous manqueraient sans doute. Mais on saura bien mieux que ces vaines choses.

Les poésies que voici nous apprendront que cette Mme Desbordes-Valmore, à la vie cachée, était, par le fond de son âme, aussi passionnée et plus pure que Mme de Staël. On saura qu’elle était une Corinne vraie dont les vers peuvent être faibles parfois, mais ne déclamèrent jamais ; une Corinne simplifiée, purifiée, attendrie, mais amincie jusqu’à ne plus être, de tant de puissante haleine, que le souffle malade de l’amour et une pensée délirante, de tant de pensées ! une Corinne dont les cheveux ne tiennent plus et s’affaissent, et dont le voile, moins drapé que celui qui flotte aux vents du cap Misène, a été déchiré par les mains convulsives qui le ramènent sur un visage brûlant de pleurs.

Car voilà toute Mme Desbordes-Valmore et sa poésie.