Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1862.djvu/212

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Dès le début, le poète de L’Enfer, malgré la beauté de pose de ses strophes et leur roulement sombre, entremêle à l’ensemble pathétique et noir de ses tableaux des touches vulgaires en apparence, qu’on nous permette le mot : des clairs de vulgarité (Ébahis se frottent les yeux ! — se démènent les trépassés), qui vont plus tard se prononcer, et s’élargir, et devenir ce grotesque grandiose que la Divine Comédie n’a pas repoussé. Puisqu’il faut des exemples aux critiques sans initiative, pour justifier M. Pommier d’avoir complété par la caricature héroïque la tragédie de son sujet, on peut citer Dante, Michel Ange et plus bas Callot, les trois hommes de l’inspiration la plus idéale qui ait peut-être jamais existé.

En vain, pour éluder l’enquête,

Dans leur sarcophage blottis,

Quelques pécheurs cachant leur tête

Se font petits, petits, petits.

Traînés au soleil de la honte,

Une justice auguste et prompte

Avec leur âme les confronte

Éperdus, transis, effarés,

Car tous les vices, tous les crimes,

Les mouvements les plus intimes,

Les actes les plus anonymes,

Sont au grand livre enregistrés.

Et le poète continue de décrire et de s’avancer dans ce mouvement rigoureux et dans cette sobriété ferme. Ce n’est pas Klopstock, ce n’est pas Milton, c’est un poète d’une personnalité différente dans lequel l’inspiration de la tradition chrétienne et de la légende populaire bat plus fort. Il n’a rien de nouveau, de replié,