Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1862.djvu/284

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Chine, son affaire était faite !.Roitelet, verselets, poésies et poète, vaudraient aujourd’hui cent pour cent de plus dans leur inspiration et leur manière, par cela seul qu’ils n’auraient pas trempé dans l’air ambiant de la poésie contemporaine !

Car voilà le seul reproche qu’il y ait à adresser à M. Jules de Gères, et je me hâte de le lui faire pour m’en débarrasser et arriver vite à l’éloge. M. Jules de Gères qui, s’il le voulait, trouverait bien en lui assez de talent pour n’imiter personne, n’a point naturellement l’électricité négative du laurier qui repousse la foudre et qu’ont les génies d’exception, ces esprits vierges qui tirent d’eux seuls leur fécondité et peuvent vivre impunément, n’importe où. Il est poète, ce n’est pas douteux, et nous le prouverons tout à l’heure, niais à son inspiration, parfois très-énergiquement personnelle, se mêle aussi parfois l’alliage fatal des réminiscences involontaires.

C’est une loi du temps et de tous les temps que quand des poètes grands ou petits, vrais ou faux, immortels ou éphémères, ont été la chimère de leur époque, comme dit saint Bernard. — l’admiration ou la mystification de leurs contemporains, —ils laissent sur l’imagination publique des teintes dont elle reste colorée. Or, pour l’imagination du XIXe siècle, il faut bien en convenir, ces teintes s’appellent encore jus­qu’ici Hugo, Musset, Lamartine. Eh bien ! la Muse de M. de Gères, qui les a traversées, qui s’est baignée avec amour dans l’arc-en-ciel de ces trois teintes, répandues partout, pour l’instant, les porte toutes les trois confondues sur ses ailes, ce qui les fait ressembler, ces ailes originales de roitelet, à toutes celles