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II

Il nous est impossible de croire qu’il n’y a point pensé un peu… S’il ne nous avait donné que des poésies dans le livre qu’il publie aujourd’hui, nous dirions : « C’est une grâce d’état, une inspiration particulière que cette poésie perpétuellement grave, que cette cornemuse, perpétuellement enflée du même vent. » La poésie de M. de Laprade, grave et vide, ressemble à la barbe de cet ambassadeur de Venise, dont Paul III disait, croyant qu’il n’y avait rien derrière cette barbe, pleine de gravité : Bella barba ! bella barba ! Mais M. de Laprade ne s’est pas contenté de cette barbe d’anachorète des montagnes, de cette poésie monochorde et monotone des hommes de solitude, qui vivent de sauterelles, en fait d’idées, en regardant les grands horizons. Il a mis, dans ce volume, héroïque et idyllin, l’ennui sous les deux espèces, et nous l’avons eu en prose comme en vers.

Sur le sommet de sa montagne, M. de Laprade s’est ressouvenu qu’en fin de compte il était un homme de son temps, de ce temps essentiellement endoctrineur et professeur, et il a prêché sa poésie après l’avoir chantée, dans une préface de soixante pages, encore plus Revue des Deux-Mondes que tout le reste. Il nous a donné sa poétique, qui n’est pas d’une complication bien difficile, mais qui consiste à nous prouver à l’aide de Beethoven cl de Claude Lorrain,