Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1862.djvu/313

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littéraire, surabondamment littéraire, noircissant infatigablement du papier, comme le font tous les hommes et toutes les femmes de ce temps de production facile. Au milieu des livres qu’elle écrivit et qu’on ne lit déjà plus, un seul fut un chef-d’œuvre et restera, et justement parce qu’il n’est pas un livre, parce qu’au contraire il est (heureusement ! ) un oubli de littérature, parce qu’il ne fallait pour l’écrire que la première femme d’esprit venue, ce qui ne vient pas, du reste, tous les matins : ce furent les Lettres parisiennes. Nous avons loué sans réserve, ailleurs, ce commérage sur toute une société, le plus délicieux qu’on ait entendu depuis Mme de Sévigné, que Mme de Girardin surpasse souvent par l’agrément continu et le piquant gai du détail.

Selon nous, Mme de Girardin, dans ces lettres charmantes, est beaucoup plus femme d’esprit qu’elle n’avait été poète du temps de Mlle Delphine Gay ; mais être femme d’esprit, c’est plus et c’est moins que d’avoir du talent, et nous n’avons à juger aujourd’hui que le talent de Mme de Girardin et ses poésies. Les amis de son salon, qui, dans ce temps-là, il faut bien le dire, étaient les premiers esprits de France, se crurent obligés à faire du génie de ce talent — très-relatif— et ils n’y manquèrent point ! Ce sont eux qui sont aujourd’hui responsables de ce qui reste de gloire encore à Mme de Girardin. Mais ils ne le seront pas longtemps. Nous pouvons être tranquilles, la notice de M. Théophile Gautier ne se recommencera pas. C’est une épitaphe très-bien faite que cette Notice, mise sur ce monument des Œuvres complètes, — un tombeau !