Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1862.djvu/318

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Gay aurait eu du génie, — le génie, par exemple, que ses amis, ses Séides de salon, lui ont attribué si longtemps, — que ce génie serait mort de son mariage. Seulement avait-elle du génie ? Et puisque nous tenons une épave de ce qu’elle a perdu, dans ce volume de poésies, publiées aujourd’hui, voyons si son naufrage, comme poète, est un si grand malheur à déplorer.

IV

Le volume en question est divise en trois parties : les Poèmes, les Poésies et les Improvisations. Les Improvisations, où le poète pleure sur le général Foy, chante le sacre du roi Charles X et quête pour les Grecs, ne méritent d’être mentionnées que pour prouver l’impuissance radicale de toute femme poète, quand il s’agit de chanter quoi que ce puisse être, en dehors de la maternité et de l’amour. La patrie elle-même n’existe qu’à travers l’époux et les enfants pour les femmes. Quand elles se croient des Muses de la patrie et qu’au lieu de sonner, pour les faire sourire, dans les trompettes de leurs petits, elles veulent sonner dans le clairon d’airain des Renommées, les femmes font une besogne aussi en harmonie avec leur organisation vraie que les belles et pauvres créatures qui, sur les routes de l’Albanie, cassent des pierres pour raccorder le chemin…

Malgré le succès qu’on lui fit, le talent ne se montre pas dans cette partie des œuvres de Mme Delphine Gay,