Aller au contenu

Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1862.djvu/329

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Voila ce que nous lui devons !

Ce n’est donc pas la Vie de Bohême qui fait la réputation actuelle de M. Henri Mürger, et l’a timbré tellement de son succès qu’il n’a, dans ses autres livres, jamais fait qu’elle ; ce n’est point cette Vie qui, selon moi, fait son mérite, si mérite il a. Je nie absolument M. Mürger comme observateur. Je ne l’aime pas comme fantaisiste. Il reste le poète, qui eut parfois du sentiment. Puisqu’on l’a nommé l’Henri Heine aussi bien que le Sterne du Pays Latin et que son latin, il l’apprit beaucoup dans ces deux hommes qu’il nous a vulgarisés et débraillés, je reconnais encore mieux le Heine que le Sterne, quoique cet Heine-là soit encore plus Alfred de Musset !

III

C’est de l’Alfred de Musset d’imitation et de balbutie, de l’Alfred de Musset resté petit garçon toute sa vie et un peu singe, comme le sont les petits garçons… Chérubin vieilli, qui, à quarante ans, continue de chanter sa romance à Madame, laquelle n’est pas Mme Almaviva, — mais Musette, Frisette ou Rigolette. La mandore des Contes d’Espagne et d’Italie a baissé de je ne sais combien d’octaves. Ce n’est plus qu’une guitare, et encore une guitare des cafés du Pays Latin, car jamais M. Henri Mürger n’a changé d’atmosphère. Alfred de Musset, qui, avant d’être cette perle fine d’originalité, enfin trouvée, d’Alfred de Musset, imita aussi pour son propre compte et beaucoup