Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1862.djvu/337

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Arrête-toi, passant. Brève sera l’histoire,

Et je ne te dirai rien que la vérité,

Aucun récit banal de douleur. — Dans sa gloire,

C’est un noble type arrêté.

Comme si pour cela il était besoin de mourir !

Es-tu capable et fort, mais es-tu sans fortune ?

N’ayant rien, n’obtiens-tu rien, sans savoir pourquoi ? …

Sa tombe doit avoir un intérêt pour toi :

Il n’eut, comme toi, chance aucune.

Entendez-vous ? Comprenez-vous le ton simple, abandonné, humilié, qui n’est plus fier, mais qui est noble encore, de cette poésie, poignante et douce ? … Aimez-vous, comme nous, ce cœur saignant qui s’est essuyé, ce que M. Théophile Gautier ne ferait pas, s’il pouvait saigner, ni personne de cette école qui voudrait dorer l’or et blanchir le lis, et qui laisserait tout ce vermillon couler avec faste, tandis que le poète, en M. de Châtillon, a la pudeur d’essuyer sa blessure et ne tache plus les choses qu’il touche que du rose d’un sang épuisé, qui fait bien plus de mal à voir que s’il était couleur de pourpre !

II

Mélancolique qui n’a pas perdu d’Elvire, comme M. de Lamartine, M. de Châtillon n’en est pas moins de la famille des Souffrants, « pour leur grande ou