Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1862.djvu/356

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drame. Les autres personnages humains, et non abstraits, comme les quelques femmes, par exemple, pour lesquelles le bon Merlin est infidèle à Viviane, Isoline, Marina, Dolorès, etc., sont épisodiques et de passage, pures enluminures extérieures, sans vie intime et même distincte. Eh bien ! Merlin, Viviane, Jacques Bonhomme et Satan, le trivial Satan, qui a roulé dans toutes les légendes, et au sombre diadème duquel M. Quinet n’était pas de force, comme M. de Vigny, à attacher un rayon oublié par Milton, sont des êtres surnaturels et symboliques, des généralités exsangues, aussi froides et aussi vides, aussi impersonnelles enfin, que si vous les nommiez la Sagesse, la Beauté, la Force physique, la Perversité.

Et l’action ? … l’action entre ces quatre personnages sans individualité et même sans humanité, l’action a-t-elle une individualité davantage ? A-t-elle une nouveauté quelconque ? L’enchanteur Merlin, on le connaît. C’est aussi une enluminure, une vieille carte à jouer, et qui a été beaucoup jouée, comme le roi de trèfle ou de pique. Avant de le mettre au tombeau de sa légende, dans lequel il recommence de vivre, après la mort, absolument comme il vivait, avant d’être dans le tombeau (par parenthèse une des plus grandes bêtises par impuissance de ce poëme d’impossibilités), M. Edgar Quinet, vous l’avez vu déjà, le fait promener à travers le monde, comme Ulysse, Childe-Harold, Don Juan, Don Quichotte, le Cosmopolite, et même son propre Ahasverus.

Non content de cette promenade à travers le monde, il le fait promener même en dehors de ce monde, comme le Dante, et de cette promenade éternelle, le