Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1862.djvu/90

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nos consanguins, mais il est l’essence la plus profonde, l’arôme le plus subtil de tous les deux. Il a concentré leurs deux manières allemande, espagnole et fantasque, dans une troisième qui est la sienne et qui les efface et les fait paraître… passées, comme l’hortensia devant un rose vif. En vertu de ses consanguinités d’imagination, le poète d’Émaux et Camées chante l’Amour, ce sujet de poésie éternelle, sur lequel il n’y a pas de cant à faire, et jusqu’ici non plus il ne l’avait jamais chanté d’un accent si vrai et, disons-le, si pur. Or toutes les puretés sont sœurs les unes des autres et se tiennent, comme les Heures du Guide, devant le char de l’Aurore. La pureté de l’expression, qui est une partie de la Beauté poétique, touche par un point à la Beauté morale, et c’est cette pureté de l’expression qui est surtout celle de M. Gautier dans ses vers. Quelques-uns peuvent se ressentir de l’ancienne inspiration, trop ardemment matérielle, du poète, et, comme cette merveilleuse pièce du Contralto, effrayante de difficulté, avoir un risqué terrible et faire baisser les yeux à la Rêverie troublée, mais ce ne sera qu’un frisson qui passe. Elle les relèvera bientôt, rassurée par l’idéalité de l’expression, qui est aussi, à sa manière, une chasteté !