Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1862.djvu/94

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Il ne nous rend rien non plus pour nos mérites, quand une fois il nous les a pris.

II

Tel fut l’enseignement de sa vie et le triste destin de Brizeux. Né avec un talent de poète, d’une délicatesse presque fragile, — mais la perle, dit-on, est malade, — Brizeux, dont le nom seul exprime tout ce qu’il fut, est mort comme poète, non pas hier, — il y a quelques jours, — comme les journaux l’ont annoncé, mais il y a déjà longtemps. La Critique le savait bien, elle ; mais elle s’en taisait. Elle n’est pas toujours impitoyable. La Critique, qui dit, comme la Médecine, au perçant regard : « Cet homme que vous voyez là, et qui va encore, il est mort ! » la Critique ne voulait pas se croire elle-même, quand elle le pensait. Elle avait aimé cet enfant, qui a vieilli sans devenir un homme ; et la pureté dans la faiblesse, cette chose si rare dans des temps d’inspiration grossière, l’empêchait de dire qu’il n’était plus ! Cependant elle aurait pu noter le jour et presque l’heure de cette mort prématurée. Le Piferario des landes de Bretagne, puni pour les avoir quittées, le joueur de biniou, à l’haleine suave, avait expiré au dernier vers de ce poème de Marie, qui a commencé sa renommée et qui l’a finie en même temps, — blanche aube qui ne devait pas devenir une aurore !

Vous le rappelez-vous, ce poème de Marie ? Il parut à temps, et ce fut là aussi son succès, encore plus que