Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1889.djvu/140

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lui, de perceptible en ses vers, ni balbutie, ni enfance. Il sortait… D’où sortait-il ainsi en pleinematurité ?… C’était un Homère jeune comme Achille. André Chénier semblait avoir balbutié pour lui… André Chénier s’était le premier servi de l’iambe, mais l’iambe de Chénier était dépassé de la longueur de dix javelots. André n’était que l’éphèbe de cette poésie ; Auguste Barbier devait en être l’homme, dans sa toutepuissante virilité… Quand il lança, de ce bras musclé qui rappelle les bras de Michel-Ange, ces premiers vers-flèches à la tête de la Révolution de 1830, ce que l’imagination avait rêvé sur ces grands noms : Archiloque et Tyrtée, dont on n’avait point les vers, fut réalisé pour elle !

Comme après la Curée, après ces douze chefsd’œuvre que nous venons d’énumérer si le poète des Ïambes était mort, il aurait laissé une immortalité d’autant plus belle que le regret, le regret de l’avoir perdu dans la plénitude de sa force, aurait ajouté à ses œuvres finies la poésie d’œuvres qu’il n’aurait pas faites. Mais il continua de vivre, et il eut raison de cette fois encore ; car s’il resta le même par le génie, il se diversifia par les œuvres, et il écrivit le Pianto, c’est-à-dire les plus beaux vers qui aient été faits sur l’Italie depuis Byron, les plus tristes depuis le Dante ! Seulement, il ne mourut pas plus après le Pianto qu’après la Curée et les ïambes, et de cette fois il eut tort de ne pas mourir. Il eut tort, puisque le