Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1889.djvu/151

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l’a pas averti, ce bouché d’oreilles, ce sourd-muet d’une organisation qui n’est plus rien une fois qu’elle n’est plus inspirée ! En dehors de l’inspiration, Auguste Barbier est quelque chose d’un déplorable et d’un lamentable qui prouvent combien peu le génie dépend des circonstances dont les théories à la mode le font dépendre, et que Dieu peut allumer cette flamme sur les plus grotesques trépieds. J’ai vu une fois Auguste Barbier, et à ses lunettes à pattes d’or, à son extinction absolue de tout style, à sa tenue de bourgeois effacé, je l’aurais pris pour un notaire. Et c’était là le poète, cependant, que les Anciens auraient appelé le Iambique, et qui nous a laissé ces douze ïambes superbes, zodiaque de poésie dont il a été le soleil !

Depuis, cette inspiration par laquelle il fut sembla l’avoir abandonné, et je dis moi-même alors que le génie était mort en lui. Mais j’espérais pourtant encore de lui dans ce temps-là ; car qui est sûr de rien avec ces poètes ? On les croit morts, comme Franklin et comme Lapérouse… mais ils ne sont peutêtre que disparus, et, plus heureux, prêts à revenir.

Celui-là, hélas ! n’est pas revenu.