Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1889.djvu/160

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naturel etdivin… On lui reprochait sa manière devoir et de représenter les choses. Parce qu’il était élevé, les esprits bas, qui sont si fins, le disaient niais, et Chateaubriand, Chateaubriand lui-même, le Méprisé des Naturalistes de notre âge, un jour l’appela* un grand dadais », parce qu’il voyait beau et grand, cet homme qui, en la regardant, grandissait la nature, mais qui ne la méconnaissait pas ! Lamartine avait le sens de la réalité humaine tout autant que Chateaubriand, mais en passant par sa grande âme, la réalité grandissait. Faculté non de dupe, mais de poète, faculté enchanteresse et qu’il eut toujours, et non pas seulement dans ses vers, où la nature est plus belle que la réalité, mais dans la vie et même dans la vie politique, où sa nature de poète l’égara. C’est la poésie de Lamartine qui sauve la politique de Lamartine, de cet homme qui répondit un jour, quand il fut nommé député, à ceux qui lui demandaient où il siégerait, lui, Lamartine, dans un Parlement d’imbécilles ou d’esprits plus bas que leur ventre : « Je siégerai dans le plafond ! »

C’était trop haut pour ceux-là qui étaient dessous. Ils l’écoutèrent un instant, mais ne l’entendirent pas, cet astre de poésie dépaysé dans leurmisérable politique. L’idéalité de la politique de Lamartine a été moins comprise que ne l’avait été l’idéalité de sa poésie ; car la France de ce temps-là, qui valait mieux que celle de ce temps-ci, fut littéralement enivrée, quand elles parurent, de l’éther pur de cette poésie inconnue