Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1889.djvu/179

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guères enfermer dans le tour d’un chapitre. Elle n’y tiendrait pas. On ne peut rien couper ou détacher dans ce poète mâle, qui ne se préoccupe jamais des détails comme les poètes ses contemporains. —par ce côté plus ou moins femelles, —et qui a pour qualités premières et presque exclusives l’ampleur et la majesté dans le mouvement de l’ascension lyrique. Le poète des Poésies philosophiques est une aigle, qui déplace beaucoup d’air autour d’elle quand elle vole… Rien que le livre qu’elle a publié ne peut montrer intégralement cela. Et, cependant, nous ne terminerons pas ce chapitre sans une citation qui fasse comprendre à quel genre de poète rare nous avons affaire.

Nous n’ébrécherons pas, en la rompant ici et là, cette citation de madame Ackermann qui va vous échantillonner une poésie belle surtout d’ensemble, et qui, quelle que soit son étendue, va jusqu’au bout d’une pleine et forte coulée. C’est la dernière pièce du recueil. Elle est intitulée le Cri, et c’en est un comme jamais bouche de femme n’en a poussé ! Ce n’est pas le cri de Sapho tombant dans l’abîme. La Sapho sans Phaon qui est ici n’y tombe point, mais elle y entre lentement, toujours désespérée, comme une athée vaincue mais soulagée par le cri qu’elle a amassé dans son cœur et qu’elle pousse. Écoutez-le ! Entendez-le ! Vous ne l’oublierez plus.

Lorsque le passager, sur un vaisseau qui sombre,

Entend autour de lui les vagues retentir