Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1889.djvu/188

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sublime, appelle « les membres de N.-S. Jésus-Christ », les gueux ne pouvaient pas ne point tenter l’imagination de ceux-là qui savent où se trouve la Poésie dans les choses humaines. Mais s’ils l’avaient exprimée, cette poésie de la Pauvreté, ce n’avait guères été qu’en passant, par traits détachés, par éclairs, en quelques groupes ou en quelques têtes flambant de génie, dans un coin de livre ou de tableau… Qui les avait vues, ces têtes, les avait contemplées ; qui les avait contemplées ne pouvait plus les oublier. Chez les poètes, par exemple, nous avions le Vieux mendiant du Curnberland de Wordsworth, le Vieux vagabond de Béranger, sa Chanson des Bohémiens, — et même sa Chanson des Gueux, si maigre, du reste, quand on la compare à celle de M. Richepin ! Chez les conteurs, nous avions l’Edie Olchitrie de Walter Scott, et le vieux Par-les-chemins de Balzac. Je ne parle point des Misérables de "Victor Hugo, qui sont des Pauvres à qui on a fait des têtes, — pour me servir d’une expression du métier dramatique, — des Pauvres arrangés dans l’intérêt d’un parti, des Communards d’avant l’heure. Chose mesquine et triste ! car Victor Hugo nous a donné une cour des Miracles, dans sa NoireDame de Paris, de manière à prouver qu’il pourrait peindre, s’il voulait, ressemblant et puissant tout à la fois. Chez les peintres, nous avions le Pouilleux de Murillo, dans sa pluie de soleil et d’or. —Callot seul, le bohémien Callot. avait fait, lui, œuvre d’ensemble.