Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1889.djvu/191

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dans leurs grandeurs et leurs vertus. M. Richepin, dans ses poésies, n’est pas plus un matérialiste appuyé qu’il n’est un réaliste de ce temps. L’âme qu’il a le sauve de ces abaissements. Mais M. Richepin, malgré son àme, au-dessus de la plupart des âmes de son siècle, est cependant un homme moderne, pétri par la main de l’éducation moderne. Après tout, sous les haillons dont il s’enveloppe si diogéniquement en ses poésies, c’est un épicurien aux yeux païens, et un épicurien qui n’a pas la modération et l’équilibre d’Épicure ; car c’est un intense, que M. Richepin, s’il en fut jamais ! Ame ardente, s’il avait été chrétien il l’aurait été comme il est tout, il l’eût été intensivement comme il est poète, et son talent — dans sa Chanson des Gueux qui n’est qu’énergique et quelquefois infernalement énergique — en aurait été divinisé.

III

Je veux pourtant vous dire ce qu’il est, ce talent qui aurait dû monter jusqu’au génie pour être digne du sujet qu’il n’a pas craint d’aborder. Incontestablement, ce talent est très grand. L’homme qui chante ainsi est un poète. Il a la passion, l’expression, la palpitation