Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1889.djvu/207

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de sou talent si formidable, que, quand on lit ses vers, sa rage et ses rugissements contre Dieu et sa création et l’ordre du monde n’apparaissent plus comme la plus insensée des folies, et qu’on sent avec épouvante passer en soi comme le frisson partagé des colères du Sacrilège !

VIII

Le livre de ce Satan poétique, qui a été dix ans couvé, comme l’œuf du Chaos dans la Nuit, est un ensemble d’une beauté si vaste et si pleine, malgré ses formes détachées, qu’il ne peut pas être déchiqueté par les analyses de la Critique et qu’elle est forcée à faire de la synthèse, ce qu’elle ne fait jamais. Pour donner une idée de l’œuvre de M. Richepin, elle est obligée de renvoyer à son livre, à ce mastodonte qui, s’il disparaissait de la littérature, n’aurait pas de Cuvier ; car on ne reconstituerait pas avec les os de quelques pièces de vers isolées la gigantesque ossature du tout. Ces pièces de vers, en effet, d’un talent tout à la fois exécrable et magnifique, sont accumulées les unes sur les autrespar une main d’Hercule pour en faire un bûcher où brûler Dieu et le