Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1889.djvu/235

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

IV

Mais voici l’accident qui empêche cette grandeur d’accabler nos âmes : c’est cet amour infortuné du grand Corneille. Je ne sache rien de plus touchant… On croit que l’armure impénétrable d’Achille, c’est la gloire, et pas du tout. Surprise amère ! elle est faussée, cette armure divine, à l’endroit du cœur. Réflechissezy avec moi ! Que le Corneille des jeunes années eût aimé Marie Courant, comme Byron aima Marie Chaworth, et ne fût pas plus heureux que Byron, car Marie Courant épousa un je ne sais qui, comme Marie Chaworth, c’estunmalheur quelajeunesse—cette belle Hercule de la jeunesse, qui porterait le ciel sur ses épaules, s’il y tombait ! — peut facilement supporter ; mais aimer quand la vieillesse est venue, quand le cœur, selon la loi vulgaire applicable aux créatures humaines, devrait être froidi et se sent jeune encore, par le fait de la loi d’exception qui s’applique aux créatures supérieures, c’est, à coup sûr, le malheur suprême, et Corneille, le sévère, le majestueux, le Romain Corneille, l’a connu !

Attendrissement inattendu qui vous prend en regardant