Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1889.djvu/264

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que quand il est l’athée de l’heure présente ; plus poète quand il remonte par la pensée dans ce monde qui a dormi (dit-il) que quand il est dans ce monde qui s’éveille, Laurent Pichat, au lieu d’appeler son livre : les Réveils, aurait mieux fait de l’appeler : les Regrets ; car ce qui vibre le plus dans ce livre et ce qui y prend irrésistiblement le cœur, c’est la vie vécue, c’est la puissance des souvenirs et leur mélancolie amère. Il n’y a pas (et heureusement ! ) dans ce volume que les idées impies d’un siècle qui a confisqué l’âme d’un homme, mais il y a aussi les sentiments personnels de cet homme, qui vaut mieux, sans nul doute, que les idées qui l’ont confisqué. Laurent Pichat, ce cygne des années lointaines qui s’est mis, comme un jeune coq, à chanter l’aurore qui se lève sur un monde nouveau le poulailler de la Démocratie, aurait, assurément, plus de grâce et de profondeur dans ses chants s’il chantait les heures crépusculaires, voisines de la ndit qui nous menace. Les rossignols sont les oiseaux des soirs. Certes ! ce n’est pas moi qui citerai ici pour les faire valoir les pièces du recueil de Pichat contre ce que nous aimons, nous, les croyants, et respectons encore. Le talent est dans beaucoup d’entre elles ; mais ce talent est notre ennemi : la Critique ne doit que la justice. Elle a fait son devoir, et on ne peut lui demander rien de plus, quand elle a signalé comme infiniment remarquables : SaintMarc, déjà cité, le Fils du Vicomte, où la satire et la