Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1889.djvu/307

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les sensibililés d’alors une révolution qui n’a pas recommencé, — un de ces coups de tonnerre qui ne revibrent qu’à de longues distances ! Lamartine sema autour de lui des adorateurs, qui chantèrent, à leur tour, sur ce mode nouveau qu’il avait inventé ; carc’est, le destin des grands poètes de produire des imitateurs qui vengent la médiocrité humaine de la supériorité du génie, et l’empêchent d’avoir trop d’orgueil en le forçant de se regarder dans le miroir diminuant de leurs œuvres. Après Lamartine, humilié dans ses imitateurs, vinrent d’autres poètes inférieurs à cet incomparable. Ils étaient, eux, dans une tradition. Ils appartenaient à des groupes et à des familles. Archaïstes d’imitation plus ou moins, Victor Hugo rappelait Ronsard et le xvi’siècle, de Musset, La Fontaine et Byron. Or, à leur tour, Musset et Hugo ont influé, par l’admiration qu’ils ont inspirée, sur la poésie contemporaine. Or encore, l’admiration d’un homme tue toujours un peu l’originalité de celui qui l’admire. On ruisselle toujours de l’eau dans laquelle on se plonge. On a bu de ce philtre enivrant et on en a gardé quelque chose dans l’haleine, — quelque chose qui nuit à la pureté d’éther que doit avoir le souffle des poètes !

Et je l’ai dit, c’est le reproche, et le seul reproche, que j’aie à faire à l’auteur du Dernier Chant. lia trop aimé la poésie de son époque, et en cela il a fait tort à la sienne. Hélas ! on aime toujours trop, quand on veut rester fort… L’amour a passé par là, disait