Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1889.djvu/312

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Pour atteindre au plateau de la montagne, il faut

Suivre un sentier pierreux, capitonné sur tranches

De buis mystérieux et d’aubépines blanches.

La côte est difficile et raide, — c’est très haut ;

Sur le sommet du mont, dans la mousse et dans l’herbe,

Sainte Cécile est là, devant vous : — regardez

L’humble chapelle avec ses vieux murs lézardés,

Sa croix sur le clocher qui penche, — c’est superbe ;

Et pourtant à la voir comme nous la voyons,

Rien d’artistique en elle ! on dirait d’une grange,

Vieille masure à jour, mais pleine de rayons.

Son humilité fait sa grandeur, — c’est étrange.

Un cimetière autour, sans aucun ornement,

Quelques tertres verdis par places inégales,

Que traverse une chèvre, où chantent les cigales,

Tout embaumé de lys sauvages, — c’est charmant.

Couchés sous les gazons dans le vieux cimetière.

Ils dorment leur sommeil en paix, ces trépassés !

Qu’ont-ils besoin de marbre et d’épitaphe altière ?

Si leur âme fut simple et juste, — c’est assez.

Tout près, dans l’angle obscur de l’établerustique,

— Jadis le presbytère, — une vache au poil roux Vous regarde passer d’un œil profond et doux,

Et l’on songe à la crèche, à Jésus, — c’est mystique.

L’homme alors que tourmente un éternel souci

S’interroge : — « Est-ce là l’asile salutaire

Où la pensée est sainte, où la joie est austère ? » —

La cloche du vieux mont lui répond : — « C’est ici. »

— Par les beaux soirs d’été, quand le soleil abime

Ses rayons enflammés dans l’outremer du ciel,

De cette autre Sion, de ce nouveau Carmel,

Regardez à vos pieds l’horizon, — c’est sublime ;